Les Bases
Dans un article précèdent je parlais des deux premiers piliers de la méthode carré d’as pour préparer au mieux son aventure poker. Ces premiers concepts revêtent une grande importance et peuvent être considérés comme les fondations sur lesquelles reposent tout projet.
Le premier est l’ANTICIPATION. Il peut se décliner en différentes catégories pour le joueur de poker. De la préparation d’une session avec un Warm Up bien structuré, à l’étude de ses adversaires et de leurs différentes réactions, jusqu’à la structuration d’une année complète à travers un projet global, des objectifs sous-jacents ainsi que des activités complémentaires et adaptées. Dans tous les cas, l’anticipation aiguise la clarté et nous place dans des dispositions mentales à même de prendre de bonnes décisions et des choix éclairés.
Le second pilier est l’ATTITUDE. Ce concept qui regroupe les pensées, émotions et comportements nous fait interagir aux tables dans une bonne énergie. La qualité de nos actions et réactions en dépend. Les conseils pour construire des attitudes gagnantes sont par exemple, de définir des croyances dynamisantes – « je peux être gagnant en NL100 si je travaille sur moi! », « Avec des efforts réguliers, mon One Time arrivera » et de travailler dessus régulièrement – d’être pleinement responsable de ses résultats, de chercher le progrès à chaque session en augmentant son focus ingame ainsi que son travail hors des tables, etc.
Ces 2 piliers forment déjà une très bonne base pour avancer au mieux dans notre quête du Graal (cf l’article précédent). Mais sans le pilier suivant, la table qui supporte notre ambition s’écroulera et tout deviendra inopérant !
Le Pouvoir de l’Action
Beaucoup de joueurs sont perpétuellement à la recherche des dernières innovations, des derniers mooves à la mode (le 4bet shove par exemple), ou des dernières analyses faites avec les solveurs. Toute cette connaissance est belle et judicieuse, c’est indéniable. Elle est un pouvoir. Mais un pouvoir potentiel…
La valeur d’une connaissance ne réside en effet que dans son utilisation. Et les gens qui obtiennent de très bons résultats ne sont pas ceux qui savent, mais ceux qui appliquent ce qu’ils savent ! Cela parait très simple, voire simpliste. Pour autant, combien de personnes connaissent un florilège de concepts mais n’en utilisent que très peu ? Comme si l’on construisait une bibliothèque pour ne lire toujours que les mêmes livres…
Ce n’est pas ce que l’on sait qui compte, mais ce que l’on utilise par la pratique et la répétition. C’est ainsi que la connaissance pourra être parfaitement intériorisée, maitrisée et libérer son véritable pouvoir.
Combien de Cash-Gamers connaissent l’importance d’un Warm Up par exemple, mais n’en n’ont simplement aucun ou pas véritablement structuré ? Combien de MMTistes savent l’importance de l’endurance mentale, mais ne sont ni préparés physiquement ni mentalement à des joutes sur plusieurs jours avec un focus de haut niveau? Combien de joueurs connaissent l’importance d’étudier le jeu des autres régulars mais ne le font que trop rarement ?
Je ne parlerai même pas des spots où l’on connait les solutions techniques et stratégiques optimales, à froid, mais où l’on joue différemment. Ici d’autres problématiques s’ouvrent à nous comme l’impact des émotions et les propriétés d’apprentissage mais le résultat reste le même. Nous n’utilisons qu’une infime partie de nos connaissances. Et pourtant la tendance est à vouloir savoir toujours plus, au lieu d’AGIR toujours plus !
L’action est vraiment ce qui différencie les théoriciens des accomplisseurs. L’action est le véritable pont entre nos objectifs et leurs réalisations. C’est le principe ultime qui différencie les rêveurs ou théoriciens des accomplisseurs qui vivent leur rêve poker.
Nous n’avons pas besoin de plus d’informations, mais de plus d’actions. Il faut donc recréer ce mouvement car nous sommes conditionnés depuis l’enfance à l’inverse, l’écoute et l’immobilité. Et se remettre dans cette dynamique d’action va demander de se confronter à certains blocages psychologiques. Car souvent réfléchir autour de la théorie, mais sans agir ensuite, c’est confortable. Bien plus confortable que de se confronter à la réalité, aux essais, aux erreurs, aux peurs, au découragement…
Les Raisons de l’Inaction
Il existe de nombreux motifs conduisant à ne pas agir. Dans le cadre de cet article j’en développerai trois essentiels à mes yeux :
Le syndrome du rétroviseur
C’est typiquement le joueur trop influencé par son passé. Pour lui le futur sera toujours égal à son passé. S’il a essayé à plusieurs reprises de monter de limites sans succès, qu’il a tenté des mooves qui ne sont pas passés, qu’il a toujours tilté face à un bad beat particulier ou qu’il a essuyé un échec dans un projet antérieur, ce joueur va associer toutes ses tentatives malheureuses à un état permanent d’incompétence.
Il se dira « je n’ai juste pas les capacités, je ne suis pas assez doué, je suis trop colérique, etc». Et cette croyance limitante va provoquer ce que l’on appelle en psychologie l’impuissance acquise. Une forme de déterminisme face auquel on se sent démunie. Un état interne où on pense que nos actions sont inopérantes puisque les conséquences, ont, sont et seront toujours négatives. Ce joueur fait donc comme il a toujours fait, et sera ce qu’il a toujours été puisque pour lui l’action est inefficace…
C’est véritablement mécomprendre le processus d’apprentissage avec son lot d’essais-erreurs nécessaire, ainsi que la plasticité neuronale et cérébrale qui induit la possibilité de changement de nos schémas de pensées et de comportements.
Nos actions répétées dans le moment présent ont la véritable capacité de changer notre structure interne et notre destinée, même si notre passé est bien ancré. Les neurosciences le démontrent aujourd’hui. On a beau être de tempérament impatient et nerveux depuis très longtemps, on peut changer notre fonctionnement à partir du moment où on le décide et où on agit en conséquence. Le neuropsychologue Jeffrey SCHWARTZ parle ainsi de neuro-plasticité auto-induite (The mind and the brain: Neuroplasticity and the power of mental force – 2002) et de la capacité que possède chaque être humain de modifier la structure de son système nerveux à partir des actions qu’il pose et des expériences qu’il vit.
Il faut croire qu’il est possible de changer et faire preuve de patience, d’ajustement et de persévérance ! Il faut se reconnecter à son potentiel et l’activer par de nouvelles actions.
Le syndrome du paresseux
C’est le joueur qui a défini sa zone de confort (par exemple jouer en NL50), qui a conscience de son évolution possible, mais ne souhaite pas faire les efforts nécessaires pour y arriver, les jugeant comme une souffrance trop grande au regard de son plaisir immédiat.
Il a ses schémas de jeu, son plan d’action contre les différents profils de joueurs et les résultats qui en découlent lui conviennent suffisamment ou il s’en accommode. Les actions nouvelles ou de plus haute intensité sont synonymes d’inconfort à ses yeux, de douleurs, de peurs. Et ce joueur préfère largement ses habitudes même s’ils les jugent moyennes ou médiocres, qu’une perspective de changement.
C’est ainsi que beaucoup de joueurs stagnent ne voulant pas assumer le travail stratégique et mental qu’il faut pour monter à une limite supérieure. Ils savent ce qu’ils devraient faire, mais ne voient pas suffisamment de raisons motivantes pour le faire. Leur zone de confort est plus sécurisante même s’ils estiment qu’ils pourraient aspirer à mieux. Le plaisir immédiat les dirige. Très souvent, les regrets les assailliront plus tard…
Le syndrome du perfectionniste
C’est le joueur investi dans sa progression et dont les standards ne peuvent qu’être parfaits. Il n’a pas le droit à la moindre erreur et attendra le moment idéal pour poser l’action juste qui atteindra sa cible à chaque coup sans possibilité d’échouer. Il pourra attendre longtemps car ce moment idéal n’existe pas…
Une réussite sans embûches, erreurs et obstacles n’est qu’un pur fantasme. Toutes les plus belles réussites ont connu des étapes difficiles où il a fallu de la résilience pour l’aventurier. Que l’on parle de Steeve Jobs, de Sylvester Stallone, ou d’Alexandre Luneau dans le poker qui s’y est pris à plusieurs reprises avant de définitivement up en nosebleed.
Le joueur perfectionniste préfère collectionner une montagne d’informations à intérioriser que passer à l’action. Et devant ce labyrinthe de vidéos, d’articles, de livres et d’analyses de mains à étudier, il préfère attendre d’avoir tout intégrer parfaitement avant de lancer son aventure véritable. Le seul souci, c’est qu’à chaque nouvelle semaine, vient son lot de nouveaux savoirs. Trop de connaissances tuent la connaissance ! Et ce joueur perfectionniste repoussera chaque semaine son plongeon dans le grand bain pour préférer débattre longuement sur les forums à propos d’analyses de mains. L’action est synonyme de danger pour lui, celui de faire des erreurs.
On retrouve ici la problématique de l’apprentissage et du manque de confiance en soi où la moindre erreur vient mettre à mal le sentiment de compétence et l’estime de soi. Le perfectionniste n’a pas compris que pour parfaire sa connaissance il faut la jeter dans l’action, la mettre en application puis la raffiner, l’ajuster et se nourrir de ses erreurs. C’est ainsi que l’on construit des compétences de haut niveau. Il ne faut pas être parfait, mais il faut parfaire ses connaissances. C’est toute la subtilité qui bloque ce joueur.
L’Action contre la Peur
Nous avons vu que les freins à l’action résident bien souvent dans la peur. Celle de revivre les échecs passés, de faire des efforts non récompensés, de vivre des souffrances ou de commettre des erreurs que l’on ne peut supporter. Et la bonne nouvelle est que toutes ces peurs reposent sur des perceptions erronées de la réalité. Perception limitée de nos qualités, perception déformée de la souffrance des efforts et de celle des regrets et perception fantasmée de la réussite, de l’apprentissage et de l’erreur.
Un travail de réorientation de notre système nerveux sur ces différentes perceptions est possible sur le moyen et long terme. C’est ce que je fais lors de ma formation Poker Management System où j’amène mes étudiants à agir en profondeur sur ces différents points.
Mais il est également possible d’agir sur le court terme avec un processus très simple : l’action !
En effet ces perceptions erronées reposent sur une construction mentale élaborée par notre lobe pré-frontal au niveau du cortex cérébral. Et celui-ci se met en pleine activité environ 5 secondes après la perception d’une situation. Les travaux de la conférencière Mel Robbins (The Five Second Rule, 2017) montre que l’impulsion d’action générée par une idée ne peut lutter efficacement que 5 secondes face aux mécanismes de défenses de notre cerveau, réfractaire au changement, à la nouveauté et aux efforts.
La peur psychologique est ainsi générée par notre cerveau pour rester dans une zone de confort qu’il maitrise et dans lequel il se sent en sécurité. Nous avons donc un laps de temps très limité pour agir, traverser nos peurs et empêcher la mise en place d’un monologue interne propice à l’inaction.
C’est une règle très simple mais qui permet véritablement de poser des actions et d’avancer dans son aventure sans attendre le moment parfait…
Vous pouvez l’utiliser dès aujourd’hui pour tenter un bluff que vous n’osez pas faire habituellement ou placer un gros héro-call que vous sentez profondément EV+. Vous pouvez également vous en servir pour lancer un gros MTT, vous assoir à une table de la limite supérieure, ou contacter un autre régulier pour faire une session review.
Ce sont de multiples actions que l’on peut ne pas oser faire par peur du résultat négatif, du processus douloureux, ou des erreurs de décision. Et comme très souvent, ces peurs sont irrationnelles et infondées véritablement. L’action, à travers sa règle des 5 secondes est une excellente alternative pour les traverser et avancer dans son aventure poker.
Nous verrons dans le prochain article, comment poser des actions efficaces, qui créent une dynamique positive et constructive et les convertir en habitude efficientes. Nous terminerons enfin par le dernier pilier de la méthode carré d’as pour croire davantage encore en nos rêves car nous en avons le potentiel !